Dans un contexte économique marqué par la crise du Covid, les relations entre les enseignes de distribution, les grands industriels et les producteurs n’ont jamais été aussi tendues. Les négociations sont de plus en plus difficiles d’année en année, et chaque acteur se retrouve contraint à défendre ses intérêts bec et ongle, car il en va de sa survie. Une bataille sans merci, qui se fait bien souvent au détriment du consommateur. Pourtant, la donne pourrait bien changer face au changement de comportement de ce dernier… L’éclairage de Jean Piquet, consultant en stratégie et co-fondateur de Crystalchain.
Comment qualifieriez-vous les relations entre producteurs et distributeurs actuellement ?
Jean Piquet : Elles sont très mauvaises et le seront sans doute toujours. Il y a 40 ans, les industriels écrasaient les distributeurs. 20 ans plus tard, c’était l’inverse et aujourd’hui, on assiste à un relatif équilibre, mais qui se fait au détriment du consommateur. Régulièrement, on assiste pourtant à des initiatives pour essayer d’arranger les choses : l’Efficient Customer Response (ECR), qui visait à mettre en place une bonne entente entre les producteurs et les distributeurs il y a une vingtaine d’années, la Loi Egalim plus récemment… Le vœu pieux, à chaque fois, c’est que cela bénéficie au consommateur final. Mais toutes ces tentatives ont échoué et le consommateur se retrouve lésé.
Les négociations entre la grande distribution et les industriels de l’agroalimentaire ont encore été très tendues cette année…
On peut même dire qu’elles étaient sanglantes, compte tenu du contexte économique ! L’augmentation du prix des matières premières n’a rien arrangé. Certains signes devraient pourtant inciter les grands distributeurs et industriels à faire bouger les lignes, tels que l’arrivée remarquée du distributeur Lidl sur le marché. Alors qu’on en parlait peu il y a 10 ans, on constate que Lidl est en train de réaliser la quadrature du cercle : implantés géographiquement partout, avec beaucoup de commerces de proximité, ils ont petit à petit réussi à introduire des produits de qualité, et proposent désormais une offre bio importante dans de nombreuses gammes… Le tout, à des prix très percutants. C’est toujours la même chose : il faut un tiers pour bousculer l’ordre établi. Donc certes, l’ambiance est très tendue, mais c’est peut-être une bonne occasion pour trouver des nouveaux chemins et chercher à se différencier. Il est même possible que le consommateur puisse en profiter in fine.
Existe-il encore une chance de réconcilier ces acteurs ?
Oui ! La bonne nouvelle, c’est que le consommateur joint de plus en plus l’acte à la pensée. S’il y a encore quelques années, il déclarait volontiers vouloir consommer plus sain et plus local, le taux d’emprise des ventes premiers prix était toujours important. Désormais, les attentes du consommateur se traduisent dans le panier. Ainsi, mettre en avant l’origine française (et même régionale) du produit peut avoir un réel impact sur les ventes. Un Lyonnais sera sensible au fait que ses rillettes viennent des monts du Forez, tandis qu’un habitant de Colmar sera plus enclin à acheter des asperges de Lampertheim.
Les enseignes de distribution se sont-elles emparées de ces nouvelles attentes ?
Historiquement, des enseignes moins dépendantes des centrales d’achat, telles que Système U, se sont sourcées plus localement et ça leur a permis d’augmenter régulièrement leurs parts de marché. Ce désir de consommer local s’observe dans l’agro-alimentaire, mais également dans le textile. Auchan a par exemple récemment signé un contrat sur 5 ans avec une entreprise basée près de Saint-Etienne, pour se fournir en sacs textiles de courses. Une telle relocalisation aurait été inenvisageable il y a 5 ans, mais est désormais possible parce qu’Auchan va pouvoir mettre en avant le fait qu’il s’agisse de textile recyclé, produit en France, et répondre ainsi à une pression du consommateur. Alors que de nombreuses enseignes affirmaient s’emparer de ces enjeux, mais avançaient à petit pas, on observe désormais des actions concrètes, en faveur d’un sourcing plus local.
Les nouvelles attentes des consommateurs portent exclusivement sur une production locale ?
Non ! On observe également une vraie prise de conscience sur l’importance du bien manger, accentuée par la crise sanitaire du Covid. Alors qu’il y a encore quelques années, faire attention à ce qu’on mange était réservé à une part restreinte de la population urbaine disposant d’un certain pouvoir d’achat, on assiste aujourd’hui à un tournant. Des enseignes telles que Bio’C’Bon ou Naturalia ne peuvent plus se permettre d’afficher des niveaux de prix 30 à 40% plus cher. Bousculées par la politique de prix de Lidl, elles ont été contraintes de revoir à la baisse les prix de leurs produits, et elles le font de façon très efficace.
Comment Lidl s’est retrouvé dans cette position de challenger ?
Les autres enseignes avaient bien compris les aspirations des consommateurs pour des produits plus sains, socialement responsables, qui respectent le métier des agriculteurs… mais pourquoi y aller ? Même s’ils avaient un corner bio, ils constataient lors du bilan économique que c’était la MDD classique qui se vendait le mieux, pas forcément celle estampillée bio. La part de marché du bio augmentait, mais à vitesse de sénateur ! Désormais, le spectre des attentes consommateurs est beaucoup plus large que le souhait d’un produit sain. Il faut tenir compte de l’impact environnemental et sociétal, a fortiori sur des cultures lointaines telles que la filière café ou cacao. A l’avenir, les distributeurs et les producteurs seront jugés sur de multiples dimensions.
En quoi ces nouvelles attentes vont forcer les distributeurs et les producteurs à mieux travailler ensemble ?
Premièrement, parce qu’ils n’ont pas le choix. Des distributeurs disparaissent, d’autres se font racheter… Pour survivre, ils doivent faire la différence. Si la différence se faisait jusqu’à présent uniquement sur le prix et l’implantation de proximité, elle se joue désormais également sur la prise en compte des attentes des consommateurs sur les productions locales et bio. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible d’augmenter sa quote-part de clientèle primaire et rester dans la course.
Deuxièmement, parce qu’ils vont pouvoir augmenter leur masse de marge, autrement dit la marge en valeur absolue. Les consommateurs vont consommer moins, mais tellement mieux ! Or, ce qui intéresse les actionnaires, ce n’est pas le volume mais la masse de marge. Cela ne signifie pas vendre le bio 30% plus cher. Sur une base prix 100, on peut imaginer un premier prix à 50, la MDD à 90 et le bio à 110. C’est sur la marque distributeur qu’une enseigne gagne le plus d’argent car ces produits margent aux alentours de 30%. Si elle parvient à développer des gammes bio complètes en marque distributeur, ce sera le rêve.
Les choses sont en train de changer ?
Oui, on observe les premiers signes de ce changement de paradigme : la part de marché des premiers prix se stabilise et est même en train de régresser dans certaines catégories. Les distributeurs l’ont bien perçu et en profitent pour augmenter leur masse de marge en développant toute la partie bio et plus respectueuse de l’environnement et des agriculteurs, et en communiquant là-dessus. Après, il faut savoir joueur le jeu. Si une enseigne dit à ses clients : « Je vous garantis que nous rétribuons bien les agriculteurs, et c’est pour ça que notre lait est légèrement plus cher, mais c’est pour la bonne cause et on peut vous le prouver » … Et bien justement, il faut pouvoir le prouver !
Comment les distributeurs et les industriels peuvent prouver leurs engagements pour des produits plus sains et plus locaux ?
En mettant en place des labels, ou en se dotant de solutions plus innovantes telles que Crystalchain. Pour aider les industriels de l’agroalimentaire à mieux valoriser leurs produits en rayons, Crystalchain a mis au point une solution basée sur la technologie blockchain, qui permet de démontrer la traçabilité des produits et de prouver sa démarche qualité. Ces dernières années, la confiance des consommateurs a été trop endommagée pour se contenter d’une simple déclaration sur l’emballage. Avec Crystalchain, il suffit de scanner un QR code apposé sur l’emballage pour accéder à une page de restitution, où la marque peut communiquer sur la qualité de sa filière et donner des informations sur le mode de production, via du texte, des photos ou des vidéos. Au-delà du storytelling, cette solution permet d’apporter la preuve de ce que l’on raconte, et ainsi, de renouer la confiance avec le consommateur.
Quel est le rôle de Crystalchain dans l’écosystème agroalimentaire ?
Notre rôle consiste en premier lieu à rapprocher les différents acteurs, en faisant en sorte qu’on puisse parler un langage commun et qu’on ait des objectifs communs, mesurables et partageables. Notre démarche consiste à définir avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème un modèle de données qui bénéficiera à l’ensemble des parties prenantes. De l’agriculteur au consommateur, en passant par le stockeur, les transformateurs et le distributeur, Crystalchain permet d’agir pour plus de transparence, tout au long de la filière et de façon dynamique. Car il ne suffit pas de pouvoir affirmer que le 11 juin à 10h43 tel produit a été estampillé pour respecter tels critères, il faut pouvoir le faire en permanence. On sait très bien que l’on ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure, mais seulement de ceux qui arrivent en retard… Il faut donc pouvoir garantir cette traçabilité de manière exhaustive, permanente et dynamique. Dans cet écosystème, peu d’acteurs peuvent avoir cette vision complète et dynamique. Pour y parvenir, il faut pouvoir mettre tous les acteurs au même niveau, unis dans la perspective de produire plus en phase avec les attentes des consommateurs, afin de gagner plus d’argent qu’il sera possible de se redistribuer plus équitablement.
Par où commencer ?
C’est tout le rôle de Crystalchain : donner un rythme, une cadence, afin de faire les choses dans le bon ordre. Le risque est de se focaliser uniquement ou trop rapidement sur le consommateur. C’est important, bien sûr, mais au préalable il faut que toute la chaîne B-to-B-to-B-to-B en amont soit irréprochable. Car si une marque communique sur des éléments qui n’ont pas été vérifiés en amont, vous pouvez être sûr qu’une Elise Lucet débarquera pour mettre en lumière le scandale, et alors bonjour les dégâts ! Bonne rémunération des producteurs, bonne utilisation des sols, bon bilan carbone, respect du bien-être animal, obtention de labels bio… il convient de bien se caler sur les engagements en amont et de s’assurer de leur respect tout au long de la chaîne, avant de pouvoir communiquer auprès du consommateur. Et en cela, Crystalchain fournit l’outil qui permet aux marques de révéler leur intégrité aux partenaires et ensuite le consommateur.
Au final, dans cette nouvelle configuration, la répartition des masses de marge se fera moins uniquement dans des rapports de force distributeurs/industriels, mais se fera aussi avec la prise en compte plus présente du consommateur. Et c’est une excellente nouvelle.
Pionnière en matière de traçabilité, Crystalchain fournit au consommateur les informations et les preuves des allégations que la marque souhaite communiquer sur ses produits. Cette solution technologique d’actualité vous permet de réaffirmer la qualité de vos produits, en communiquant directement sur la traçabilité de votre filière. Vous pouvez ainsi montrer que vous êtes en phase avec les attentes des consommateurs en matière de provenance et de transparence des produits. Déployer Crystalchain vous permet alors de vous différencier de la concurrence, et de vous positionner comme une entreprise novatrice !